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Trafigura rattrapé par le mercaptan et l’hydrogène sulfuré

Bref rappel des faits en fin de communiqué

Alors que le Gulf Jash, ex-Probo Koala, quitte les eaux noires du Golfe du Mexique et que l’Aristos II, autre tanker affrété par Trafigura, est en cours de démolition dans les vases de Chittagong au Bangladesh, le jugement du tribunal d’Amsterdam braque à nouveau les projecteurs sur le monde obscur des traders et du trafic maritime.

Les efforts de désinformation de la multinationale Trafigura sont démentis. Selon ses portes-parole, ses avocats et ses conseillers en communication, tout ce qui s’est passé à Abidjan ne serait qu’un « mythe ». Le jugement d’Amsterdam confirme que les déchets de la désulfuration produits à bord du Probo Koala par le procédé Merox étaient dangereux. 4 ans après l’escale hollandaise du Probo Koala, ce jugement met fin à la prétendue irresponsabilité de Trafigura. Malgré la stratégie de dilution des responsabilités en vigueur dans le monde maritime, chaque maillon de la chaîne, en mer et à terre, est rattrapé par la justice.

Les peines de prisons avec sursis infligées à Naeem Ahmed, ex-employé de Trafigura et à Sergueï Chertov, ex-commandant du Probo Koala, épargnent les dirigeants de Trafigura, les hauts fonctionnaires néerlandais et Prime Marine Management, gestionnaire grec de la raffinerie flottante. La justice européenne se montre jusqu’alors aussi sélective pour les faits commis en Europe que la justice ivoirienne pour les faits commis en Côte d’Ivoire ; une autre similitude entre le procès d’Abidjan et le procès d’Amsterdam c’est que les inculpés ou témoins employés directement ou indirectement par Trafigura se sont physiquement dérobés.

Le PDG français de Trafigura peut encore être poursuivi suite à une décision récente de la Cour de Cassation néerlandaise.

Il reste cependant que ces condamnations pénales et financières -Trafigura est condamnée à une amende de 1 million d’euros soit 1,28 millions de dollars- vont inciter les armateurs, les affréteurs, les équipages et les autorités portuaires à plus de rigueur technique et réglementaire dans la gestion des déchets en provenance des navires.

Par ce jugement, le tribunal néerlandais s’attaque aussi à l’industrialisation croissante de la haute mer: des déchets produits à bord d’un navire suite à un procédé industriel -ici le raffinage- doivent être traités selon la même procédure que des déchets industriels produits à terre, et non sous le régime d’exemption des déchets issus de l’exploitation normale d’un navire.

L’Etat hollandais a également eu une responsabilité décisive dans le naufrage d’Abidjan puisqu’il n’a pas fait respecter sur son territoire les réglementations européennes relatives au transfert de déchets dangereux, malgré le déploiement de nombreux fonctionnaires et un arsenal juridique important. Cette responsabilité pourrait être jugée par la Cour de Justice des Communautés Européennes si la plainte déposée conjointement par les associations Sherpa et Robin des Bois en avril 2010 contre les Pays-Bas et l’Estonie est acceptée.

Bref rappel des faits :
Sous les ordres de Trafigura, le Probo Koala a procédé au raffinage sauvage d’une coupe pétrolière mexicaine très riche en composés soufrés alors qu’il stationnait au large de Gibraltar. La méthode employée était dérivée du procédé Merox. Ce procédé historique sous-produit deux gaz nauséabonds et mortels à forte concentration : le mercaptan et l’hydrogène sulfuré. Début juillet 2006, le Probo Koala se rend à Amsterdam et Trafigura tente de faire passer ses déchets de désulfuration pour des déchets normaux, c’est-à-dire des résidus de cargaison. APS -Amsterdam Port Services- se rend compte de la tentative d’arnaque alors qu’une partie des déchets est déjà déchargée. Le devis pour le traitement passe alors de 23 à 900 euros le m3. Trafigura refuse de payer et devient menaçant. Les autorités hollandaises et APS cèdent et autorisent le rechargement des déchets sur le Probo Koala. Le navire reprend la mer avec sa cargaison toxique, fait une nouvelle escale européenne à Paldiski en Estonie et prend la route de l’Afrique. Au final, les déchets sont déchargés à Abidjan, Côte d’Ivoire, où ils sèment la panique et provoquent selon le bilan officiel 100.000 intoxications et 16 morts.