Trafic d’acide à Calais

16 avril 2002

Le Ievoli Sun et le Balu n’ont pas suffi. Le premier a coulé dans la Manche avec 4.000 tonnes de styrène, le second a coulé au large du Golfe de Gascogne avec 6.000 tonnes d’acide sulfurique. C’était le 31 octobre 2000 et le 20 mars 2001.

Un autre chimiquier venu charger de l’acide sulfurique est immobilisé depuis plusieurs jours par les Affaires Maritimes dans le port de Calais. Dès son entrée le 8 avril, il a attiré l’attention des observateurs portuaires. Il était précédé par une mauvaise réputation et scruté par les Affaires Maritimes, qui n’ont cependant pas entrepris d’inspection lors de son arrivée. Des fuites sont survenues en cours de chargement au niveau des tuyauteries et vannes de pompage. Ces opérations ont été interrompues. Une inspection a eu lieu. Il a été décidé en fin de semaine dernière de vider le navire des 2.000 tonnes d’acide sulfurique déjà embarquées.

Avec son chargement partiel, le Sark Trader n’était pas vraiment dans ses lignes. Une légère gîte était perceptible. Lundi 15 avril, il a été décidé de poursuivre le chargement de l’acide sulfurique, sous-produit de la galvanisation du zinc à Calais et destiné à la régénération. L’acide sulfurique est réactif à l’eau; en cas d’incendie ou d’épandage il dégage des vapeurs toxiques et corrosives. L’inhalation et le contact provoquent des brûlures graves. Il s’agit en l’occurrence d’un sous-produit d’acide sulfurique provenant de l’attaque du zinc et contenant donc des métaux toxiques en solution. Le Sark Trader embarque un déchet et non un produit neuf. La conformité de cette livraison aux règlementations internationales et notamment à la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers de déchets est à vérifier.

A quai, tout navire transportant des matières dangereuses représente un danger pour les activités voisines, les dockers, et les autres communautés portuaires. Dans la plupart des cas, il représente aussi une menace pour la ville. La directive Seveso II encourage chaque Etat européen à considérer les ports comme des établissements à risque.

Tout, dans un port, doit donc être organisé en vue de la sécurité, à commencer par le choix du navire. En l’occurrence, le chargeur, la société UMICORE, a fait le mauvais. Le Sark Trader traîne derrière lui des casseroles et des déficiences constatées et rafistolées dans des récents ports d’accueil comme Bilbao et Anvers. Il appartient à un armateur norvégien spécialisé selon le Lloyd’s List dans les chimiquiers de plus de 21 ans et de 3ème ou 4ème main. Il est immatriculé à Panama, pavillon de complaisance servant comme celui des Bahamas à recycler les navires-citernes vieillissants et structurellement fragiles.

Sécurité ! Sécurité ! Sécurité ! Il en est beaucoup question en ce moment mais rarissimement de sécurité en mer ou à quai. Robin des Bois constate que le Ministère des Transports et les préfectures maritimes laissent des bateaux-poubelles s’échapper des ports ou du pavillon français. Mais c’est la première fois qu’un chimiquier suspect pourrait repartir en mer et en Turquie avec sa cargaison de poison. Avec le même profil, deux chimiquiers norvégiens avaient en 2001 quitté le port de St-Malo après plusieurs semaines d’immobilisation, et sans avoir pu effectuer d’opérations commerciales. Le même code de conduite doit s’appliquer au Sark Trader.

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