Stocamine* et Cigéo** dans le même bateau

11 mars 2014

* Stocamine à Wittelsheim près de Mulhouse était un centre de stockage en profondeur – 550 mètres – de déchets toxiques non recyclables et non radioactifs dans un banc de sel. Entre février 1999 et septembre 2002, 44.000 tonnes de déchets y ont été stockés.
** Cigéo aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne est un projet de stockage en profondeur – 500 mètres – de déchets radioactifs non recyclables dans une couche d’argile.

En 1997, l’arrêté préfectoral d’autorisation de Stocamine prévoyait une exploitation pendant 30 ans et exigeait à ce terme le retrait des déchets sauf renouvellement de l’autorisation. La réversibilité s’accompagnait de dispositions techniques et financières garantissant à tout moment le retrait de tout ou partie des déchets.

En 2003, un an après un incendie dans le bloc de stockage n°15, l’Etat, actionnaire principal de Stocamine et de sa maison-mère Mines de Potasse d’Alsace, a décidé l’arrêt de l’exploitation du stockage souterrain de déchets dangereux. Cette décision a été prise en raison du manque de rentabilité de l’entreprise face à la concurrence des mines de sels en Allemagne et de la disponibilité en France d’autres lieux de stockage en surface. Aux yeux de l’Etat, Stocamine n’avait plus un caractère stratégique pour la gestion des déchets de l’industrie française.

En 2014, 11 ans après la fin de l’exploitation de Stocamine, un simple retrait partiel représentant moins de 10% des colis de déchets est censé débuter dans les semaines qui viennent. Quand il aurait fallu un TGV pour déstocker Stocamine, c’est un omnibus qui arrive, hésitant et essoufflé à Wittelsheim. Encore faut-il souligner que le chef de gare est l’ex-directeur de Charbonnages de France qui a laissé les fonds des mines et les surfaces dans un état de négligence tel que l’inventaire des conséquences pour les populations et l’environnement de l’après charbon ne pourra pas être complet avant plusieurs siècles.

Selon les prédictions de l’INERIS – Institut National de l’Environnement Industriel et des RISques -, appui technique de l’Etat et de Stocamine, la qualité sanitaire de la nappe phréatique du Rhin ne sera pas menacée par le panache de la saumure contaminée et les concentrations en mercure et en autres poisons ne dépasseront pas les niveaux-plafond fixés par l’OMS et les directives européennes. On observera que l’Institut connaît déjà la réglementation qui s’appliquera dans le prochain millénaire. INERIS nous joue l’air de dodo la saumure.

L’INERIS conditionne son avis favorable au scénario retenu à la mise en place et à l’efficacité sur le très long terme de barrières ouvragées qui joueraient pendant 1.000 ans la délicate et double fonction de ralentisseur et de réducteur de saumure.
Grâce à l’ensemble des préconisations d’INERIS, Stocamine bénéficierait « d’un court-circuit hydraulique » ; c’est ainsi que le volume de saumure marquée par les déchets du 20ème siècle baisserait de 7 millions de m3 à 7.000 m3 et que sa migration vers la nappe vitale du Rhin prendrait 1.000 ans au lieu de 300.

Le retrait partiel ne garantit pas l’évitement de la contamination des ressources en eau potable par le mercure, l’arsenic, le chrome, l’antimoine, le plomb, l’amiante et les fluorures. Ces agents toxiques seront au fil des siècles remobilisés et réarmés par l’ennoyage fatal de Stocamine autrement dit l’inondation des galeries. La saumure multi polluée par son long transit dans la décharge souterraine se déversera dans la nappe d’Alsace et du Rhin, la ressource aquatique primordiale pour plusieurs millions de personnes et pour l’irrigation agricole. C’est un risque majeur d’envergure internationale.

L’INERIS sous estime aussi les effets des secousses sismiques sur l’intégrité des galeries et sur la circulation des eaux dans le sel gemme et minimise les risques de pollution atmosphérique.

Robin des Bois accorde aux prévisions d’INERIS la même confiance qu’à celle d’une baraque d’astrologie sur internet ou dans une fête foraine.
L’ONG est consciente des risques physiques et sanitaires pour ceux qui dans les fonds vont participer à l’assainissement de Stocamine. Les risques peuvent être réduits par les conditions rigoureuses du déstockage qui contrasteront avec le laisser-aller des quelques années de stockage.

Conformément à la loi du 13 juillet 1992 et à l’arrêté d’autorisation, tous les déchets doivent être retirés de ce stockage géologique. Les impacts négatifs potentiels de l’abandon de Stocamine et de la majorité de ses déchets sur la santé publique et la biosphère ne sont pas les seuls à être en jeu. Il y a aussi la parole de l’Etat français.
La réversibilité des déchets radioactifs dans le stockage géologique de Cigéo est un des enjeux majeurs pour la faisabilité du projet. Le renoncement de l’Etat à récupérer les déchets chimiques de Stocamine enlèverait au projet Cigéo une partie majeure de sa crédibilité.

 

 

 

 

 

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