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Saint-Denis : le stade pataugaz

Même s’ils semblent ignorés par Madame le Ministre de la Jeunesse et des Sports, les dangers multiples des reconversions des sites d’usines à gaz sont connus en Europe depuis plus de 10 ans. En 1981, un rapport des laboratoires Harwell présenté au gouvernement anglais sous le titre “Problèmes soulevés par les usines à gaz et les sites analogues” dénonçait la présence, dans ces sous-sols industriels, de composés arséniés, cyanurés, benzéniques, dissimulés dans des canalisations et des réservoirs non répertoriés sur les plans.

Aux Pays-Bas, à Utrecht, la municipalité vient de dépenser 1 milliard de francs pour réhabiliter 8 hectares de friche implantés en centre ville où, jusqu’en 1960, fonctionnait une usine à gaz. La pollution a été observée jusqu’à 80 mètres de profondeur. Les études et les travaux ont duré de 1979 à 1991. Le pompage des eaux souterraines polluées n’est pas terminé.

En France, le site du Cornillon n’était pas seulement une usine à gaz, c’était aussi une distillerie de goudron (sous produit fatal de la distillation du charbon) dont les dérivés (brai, benzol, naphtaline, phénol, créosote, anthracène), tous toxiques pour l’homme et l’environnement, servaient entre autre, à composer des produits biocides (fongicides, insecticides, calfatage des bateaux, imprégnation des bois). Jusqu’en 1946, le site était exploité par la Compagnie du Gaz de Paris. Depuis la loi de nationalisation, c’est Gaz de France qui le gère et l’exploite. Des extensions de capacités ont eu lieu en 1952 et 1953. Le site a été définitivement fermé en 1977. Le déclin s’est amorcé en 1960. La responsabilité de Gaz de France en tant que pollueur est reconnue. Pourtant, GDF temporise. La société devait lancer un audit du sous-sol il y a 3 semaines. Aux dernières nouvelles, ce n’est pas encore fait. GDF attend encore quelques jours ; pour être sûr du choix définitif de Saint-Denis ? Pour réaliser un diagnostic complet des pollutions sur un site aussi complexe et ancien, il faut au minimum 6 mois. Miraculeusement, les travaux de réhabilitation sont estimés eux aussi à 6 mois, ce qui pourrait permettre aux premiers travaux du Stade de démarrer comme souhaité, début 1995.

La responsabilité de la ville de Paris est aussi engagée. En tant que propriétaire du terrain, elle a une obligation de surveillance et de contrôle qu’elle ne semble pas avoir exercée et, en tout état de cause, ne peut vendre ses terrains sans informer les acheteurs “des dangers ou inconvénients qui résultent de l’exploitation”.
Mais comment peut-on affirmer aujourd’hui que le chantier de décontamination durera 6 mois et pas 6 ans ? A Utrecht, 400.000 m3 de terres étaient lourdement contaminées, tellement imprégnées qu’elles n’ont pas pu être traitées, ni même enlevées. Le confinement in situ était, en effet, la meilleure solution puisqu’il s’agissait de faire en surface un parc paysager. A Saint-Denis, le très grand stade ne sera-t-il pas, du moins en partie, enterré ; et n’est-il pas indispensable de construire en sous-sol des milliers de places de parking ?

Enfin, à l’étude des contaminations, doit être associée une étude de dangers : un rapport officiel sur le site du Cornillon précise : “Dans l’hypothèse d’une démolition des très nombreux faisceaux souterrains de canalisation en fonte (1 mètre de diamètre), des précautions seront à prendre dans le cas où des poches de gaz risqueraient d’exploser au contact de l’air”.