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L’ivoire kaki

Paris
Objet : Sommet franco-africain sur la sécurité

 

Depuis juin 1997 et la décision internationale prise au Zimbabwe de rouvrir le marché de l’ivoire, la guerre et tous ses effets pervers se sont installés et propagés en Afrique centrale et en Afrique australe. Dans ces régions, le troc de l’ivoire contre des armes légères, des munitions, des missiles ou du matériel roulant contribue au développement durable de la violence aveugle et des souffrances infligées aux populations civiles. De 1970 à 1987, l’armée sud-africaine a échangé des armes contre des défenses d’éléphants et des cornes de rhinocéros. Le braconnage était pratiqué par les milices rebelles de l’Angola et du Mozambique et la contrebande par l’armée sud-africaine qui ramenait par avion et par train vers Johannesburg les cargaisons illicites. Le trafic de matières animales était associé au pillage des tecks de l’Angola et du Nigéria. Les grumes étaient acheminées en Afrique du Sud, par convoi routier, à travers le Zaïre, la Zambie, le Botswana ou la Namibie dans l’indifférence ou avec l’approbation des douanes interafricaines. Sur la côte Est de l’Afrique de 1980 à 1992 notamment au Mozambique et dans les pays périphériques comme la Tanzanie, le programme “des armes contre de l’ivoire” a été appliqué grâce à la complicité des troupes du Zimbabwe, d’Afrique du Sud et d’hommes d’affaires portugais. Ces sources de financement des guerres civiles sont le plus souvent attestées par des témoignages ou des enquêtes de justice plusieurs années après les faits mais déjà les observateurs sur le terrain ont constaté au Kenya et au Cameroun une aggravation de la pression de chasse sur les éléphants consécutive aux guerres ou aux troubles civils actuels au Soudan, en Somalie et au Tchad.

Il est encore beaucoup trop tôt pour connaître avec précision le tribut payé à la guerre dans la région des Grands Lacs, dans l’ex-Zaïre et au Congo, par les éléphants et les autres espèces animales menacées d’extinction mais il est d’ores et déjà observé une recrudescence du braconnage et de la contrebande au Cameroun, au Tchad, au Zimbabwe, en Zambie, au Congo et au Ghana.

L’ivoire des éléphants finance la cruauté et la violence. Il fait de tous les pays et des organisations non gouvernementales qui ont voté ou pris parti pour la réouverture du commerce de l’ivoire et qui ont redonné à l’ivoire une valeur marchande et spéculative, des receleurs de crimes et des destructeurs d’une espèce (Loxodonta africana) dont le rôle est essentiel dans le maintien de la biodiversité en Afrique. C’est pourquoi le sommet africain sur la sécurité faillirait à sa mission s’il n’intégrait pas à l’ordre du jour une réflexion approfondie sur les conséquences de la réouverture du commerce international de l’ivoire.

Repères: l’interdiction totale du commerce international de l’ivoire a été décidée à Lausanne en 1989 par la Conférence plénière de la Convention de Waschington ratifiée par 120 pays et placée sous la responsabilité des Nations Unies. Dès les conférences suivantes de Kyoto en 1992 et Fort-Lauderdale aux Etats-Unis en 1994, les pays d’Afrique australe soutenus par le WWF ont tenté d’obtenir la levée de cette interdiction. En 1997, la 10ème conférence plénière réunie au Zimbabwe a décidé de la reprise partielle du commerce entre le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe vers un pays d’importation unique : le Japon. Théoriquement, le commerce ne peut reprendre qu’en mars 1999, après que l’application de 11 conditions préalables ait été vérifiée.
85 % des 200.000 à 400.000 éléphants du continent africain vivent dans les pays ravagés par la guerre ou entrés en guerre en Afrique australe et centrale.