L’Europe pêche l’île d’Yeu

20 avril 1998

Suivant les recommandations de Mme Emma Bonino, commissaire européen des pêches, le Royaume-Uni qui assure la présidence de l’Union Européenne va soumettre début juin au prochain Conseil des Ministres européen de la Pêche une proposition d’interdiction totale des filets maillants dérivants utilisés dans l’Atlantique Nord. Ces filets sont utilisés pour la pêche au thon par une vingtaine de bateaux de l’île d’Yeu. Chacun de ces fileyeurs a un équipage de 5 à 7 marins. 2000 habitants de l’île vivent directement ou indirectement de la pêche. La pêche au thon fait partie de la culture autant que de l’économie insulaire. Sa pratique est ancestrale et ininterrompue. En 1997, selon le Comité Local des Pêches Maritimes de l’île d’Yeu, la débarque du thon a atteint près de 25 % de la valeur totale de la production des bateaux de pêche de l’île. Depuis 1995, des permis spéciaux de pêche conformes aux recommandations de la Commission Européenne encadrent la pêche de la flotte française ; la limitation de la longueur des filets à 2 km 500 a réduit la capture globale mais augmenté la qualité et la valeur de la pêche qui fait l’objet d’une distribution régionale sur le marché du frais.

La volonté de la Commission Européenne est d’aboutir à l’élimination totale des filets dérivants alors que le seuil de 2 km 500 est considéré comme acceptable par la communauté mondiale. C’est la Convention de Wellington de 1989 portant sur l’usage des filets dérivants dans le Pacifique Sud qui a introduit cette dimension maximale en se calant sur les filets dérivants utilisés aux États-Unis en zone côtière et estuarienne pour la pêche aux saumons. Les 20 bateaux fileyeurs de l’île d’Yeu, longs de 20 à 22 mètres, accompagnés d’une dizaine de bateaux bretons, s’en vont pêcher le thon germon de Mai à Septembre à plus de 500 milles en haute mer.

Mais les mailles de l’Europe bleue sont très lâches et la proposition de la Commission Européenne reprise par le Royaume-Uni n’envisage pas d’interdire les filets dérivants de 21 km de long utilisables en Mer Baltique par les pêcheurs danois, finlandais et suédois pour la pêche au saumon.
Par le biais de cette mesure arbitraire, dénuée de fondement juridique ou écologique, la direction des pêches de l’Union Européenne entend donner du grain à moudre à l’opinion publique à défaut de proposer des mesures novatrices de gestion et de protection des ressources halieutiques menacées par la pêche industrielle, par les pollutions et la destruction du cordon littoral.

Une meilleure stratégie, vis-à-vis de l’usage des filets dérivants serait de prendre acte de l’exemplarité de l’encadrement français de la pêche au thon et de créer un groupe consultatif européen, auquel seraient associés des mouvements écologistes, susceptible d’amener l’Europe bleue à contrôler l’usage des filets dérivants et à maîtriser les prises accessoires et les captures accidentelles de mammifères marins. L’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni, les pays scandinaves de par les activités côtières, estuariennes ou hauturières de certaines de leurs flottilles doivent faire partie de ce groupe de travail.

La pratique actuelle de la pêche au thon par les professionnels ogiens et du pays bigouden doit être non seulement maintenue, mais consolidée. Seule la confiance en l’avenir amènera les pêcheurs artisanaux concernés à expérimenter et à mettre en œuvre des dispositifs techniques améliorant encore la sélectivité du filet maillant dérivant.
L’Union Européenne va-t-elle ruiner des patrons pêcheurs qui recrutent leurs équipages dans l’école de pêche de Port Joinville, qui débarquent le poisson dans une criée mise aux normes européennes et utilisent des bateaux d’une valeur de 6 à 10 millions de francs, très loin de la “vétusté” dénoncée par Mme Bonino.

Dans ce dossier, il est souhaitable que Mme Bonino, commissaire européen chargé de la pêche rencontre Mme Bonino, commissaire chargé de l’office humanitaire de la communauté européenne.

 

 

 

 

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