Les Tchernobyl des phosphates

18 août 1995

Objet : Déchets faiblement radioactifs

 

Trois usines d’engrais sont en cours de démolition dans les zones industrielles du Havre, de Rouen et d’Orange. Elles dissimulent des zones contrôlées ou incontrôlées où la radioactivité est susceptible de présenter des dangers d’irradiation ou de contamination. Pourtant aucun de ces ateliers ne fait l’objet d’une fiche dans l’inventaire national des déchets radioactifs publié en juillet 1995.

L’ANDRA (l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) y remarque seulement que “plusieurs alertes récentes ont fait découvrir des ferrailles contaminées par des dépôts de radium qui proviennent ou semblent provenir de démantèlement d’usines de fabrication de phosphates”.

Sur place, les démolisseurs, ferrailleurs, récupérateurs autorisés ou clandestins ne sont pas informés des risques encourus, en particulier, après l’inhalation des poussières qui recouvrent sur plusieurs centimètres les sols et canalisations et s’envolent par les façades éventrées. De nombreux animaux – pigeons, chats sauvages, lapins et autres rongeurs – occupent les lieux et ses abords.

En concentrant l’acide phosphorique à partir des phosphates uranifères importés du Maroc, du Moyen-Orient et des Etats-Unis, les deux usines ont aussi concentré de l’uranium et du radium, sous forme de dépôts, dans leurs chaînes de production (cuves, canalisations, trémies). L’extraction de l’uranium en tant que sous-produit de l’acide phosphorique se pratique industriellement en Belgique à Engis-sur-Meuse. La production annuelle moyenne est de 38 tonnes vendues à SYNATOM, la société belge de combustibles nucléaires.

La liaison phosphate-uranium est donc parfaitement identifiée mais dans le cadre du dépistage et de la gestion des déchets faiblement radioactifs, aucun effort n’a été entrepris pour définir une méthodologie de démantèlement de ce type d’usines et pour réaliser des sites de stockages spécifiques.

Le transit, l’exportation, la récupération, la “deuxième fusion” de ferrailles éventuellement radioactives, dans le cadre du marché national et international du recyclage, obligent à une vigilance nouvelle sur la qualité des matériaux récupérés. Les exploitants des usines d’engrais n’en semblent pas convaincus.

Au contraire, il y a deux mois, des “messieurs” sont venus bomber la signalétique concernant la radioactivité dans les locaux de l’usine de Grand-Couronne, “il paraît que ça gênerait des gens” a confirmé aux enquêteurs de Robin des Bois un habitué du site.

 

 

 

 

 

Imprimer cet article Imprimer cet article