Les retombées du Cosmos 954 – 2015

23 janv. 2015

La loi du silence nucléaire

Il y a 37 ans, le satellite nucléaire russe Cosmos 954 retombe sur terre pendant sa 2060ème révolution. Ses débris s’écrasent sur le Grand Nord canadien tout près de l’Arctique. C’est le 24 janvier 1978, 11h 53 heure universelle, 5h53 à Yellowknife au bord du Grand Lac des Esclaves, Territoires du Nord-Ouest, Canada.

La décennie 1970-1980 est marquée par le lancement mondial de l’électricité d’origine nucléaire. C’est l’apogée de la campagne Atoms for Peace lancée en 1950 pour effacer le péché des bombes atomiques sur le Japon. Le nucléaire pour tous est en route.

Aussi quand Cosmos 954 a commencé en novembre 1977 à dérailler dans le ciel, toute la confrérie nucléaire s’est tue. De Moscou à Washington en passant par Tokyo, Bonn, Paris, Londres, Canberra et Ottawa, motus et bouche cousue. Le Cosmos 954 contenait selon les sources 30,5 à 60 kg d’uranium-235 russe enrichi à 90%, homologue de l’uranium-235 américain qui le 6 août 1945 a foudroyé et atomisé Hiroshima.

8 jours avant la chute finale de Cosmos 954, quelques initiés russes, américains et alliés savaient qu’il retomberait sur le continent nord-américain. Miami, Detroit, Chicago, les Grands Lacs étaient en secret évoqués. Jusqu’au bout, jusqu’au petit matin du 24 janvier, 257 millions d’habitants ont été tenus à l’écart de l’information explosive.

37 ans après, il n’y eu aucun suivi longitudinal des conséquences de cet accident nucléaire. Dans les Territoires du Nord-Ouest, le suivi environnemental des lacs et des rivières aborde les métaux lourds, les Polluants Organiques Persistants et certes les radionucléides, mais de l’aveu même de l’administration « la contamination radioactive est celle qui retient le moins l’attention ». « Il y a un manque général de données sur l’état de santé et la contamination des poissons ». « Seules des informations sporadiques sont disponibles ». « Des études spécifiquement conçues pour analyser les radionucléides dans les milieux aquatiques ne sont pas identifiées ». « Bien que la contamination radioactive puisse avoir des impacts sur la santé humaine, seules des données limitées sur les teneurs en radionucléides des poissons sont disponibles ».
Ces carences n’empêchent pas les services canadiens des affaires indiennes et du Nord Canada de claironner que les aliments traditionnels sont comestibles « sans avoir à se faire du souci avec les problèmes sanitaires liés à la radioactivité ».

 

Les retombées du Cosmos 954

1 – La chute

Le 24 janvier 1978 à 11h53 heure universelle, un bijou technologique spatial pénètre dans l’espace aérien du Canada. En 70 secondes, le Cosmos 954 en feu s’est désintégré dans le ciel sur une trajectoire rectiligne de 1000 km et a déposé sur le sol canadien des ferrailles, paillettes et particules radioactives. « L’intrusion » comme l’a désignée la diplomatie canadienne d’un satellite soviétique avec un réacteur nucléaire embarqué dans une région subarctique qualifiée pour l’occasion de « virtuellement inhabitée » a été masquée par un consensus politique international et par les évènements terrestres ultérieurs de Three Miles Island (1979), Tchernobyl et Fukushima.
Normalement, en fin d’exploitation d’un satellite Cosmos, le réacteur nucléaire était éjecté de l’orbite basse (+ ou – 200 km) vers une orbite cimetière à une altitude d’environ 1000 km ; une sorte de fourrière spatiale qui permet la décroissance totale des isotopes à vie courte ou moyenne tels l’iode 131, le strontium 90 et le césium 137 avant la retombée sur terre 5 à 600 ans plus tard. Aucune certitude n’a filtré sur la quantité d’uranium-235 enrichi à 90% à bord du Cosmos 954. L’URSS a toujours flouté ses réponses. La quantité minimale est de 31,5 kg. La plupart des sources parlent de 50 kg. La demi-vie de l’uranium-235 est de 713 millions d’années.

La mission des Cosmos était de surveiller grâce à des radars hyperpuissants les mouvements des porte-avions et sous-marins américains. C’est pour alimenter en électricité tous les systèmes de reconnaissance et de transmission que des réacteurs nucléaires étaient embarqués à bord des Cosmos.

 

 

Cosmos 954. DR

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2 – Chronologie

1977

– 18 septembre :
Lancement du Cosmos 954 au Kazakhstan.

– Novembre :
Problèmes de gestion du satellite constatés par les services de renseignements US.

– 1er décembre :
Aux Etats-Unis, le sous-secrétaire d’Etat à la Défense est informé.

– 19 décembre :
Création d’un comité ad hoc sur les débris spatiaux sous la direction de la NSC (National Security Council).

1978
– 6 janvier :
Le NEST (Nuclear Emergency Search Team) dit à ses interlocuteurs confidentiels que le Cosmos 954 est en perdition et va s’écraser sur terre ou en mer à un endroit inconnu les 23 ou 24 janvier.

– 12-19 janvier :
Les Etats-Unis approchent l’URSS par la voie diplomatique et demandent des informations précises sur le Cosmos 954 en perdition.
Réponse laconique de l’URSS : le satellite fonctionne à l’uranium-235. Il n’y a pas de risque de criticité et d’explosion. La conception de l’installation va permettre la destruction et la combustion dans les couches denses de l’atmosphère. Il n’est pas exclu que des fragments ou parties tombent à la surface de la Terre et provoquent une contamination locale sans conséquence grave qui exigerait la mise en œuvre des « habituelles mesures d’assainissement ».

– 18 janvier :
Les pays de l’OTAN sont informés, plus l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon et le Canada. La note d’information est accompagnée d’une recommandation de discrétion. Les spécialistes US de la préparation aux catastrophes estiment qu’il est inutile de prévenir les populations étant donné les incertitudes sur les lieux de la chute. C’est une première mondiale. Tous les pays informés ont observé le mot d’ordre de silence. Aucun chef d’Etat ou premier ministre n’a eu avant la retombée sur terre du Cosmos 954 à évoquer le scénario catastrophe de l’explosion atomique encore redoutée malgré les apaisements des Soviets ou les mesures d’isolement ou d’évacuation si le Cosmos 954 fondait au dessus d’une mégapole ou d’une vallée très densément peuplée.
Un conseiller de la maison Blanche expliquera plus tard que le mot d’ordre était d’éviter un remake de la Guerre des Mondes. En 1938 CBS Radio diffuse l’adaptation par Orson Welles du roman de science fiction de H.G. Wells pour la soirée d’Halloween. Le montage, saisissant de réalisme, est réputé avoir déclenché une panique collective.

– 24 janvier :
A 6h53 (Eastern Standard Time, heure d’Ottawa), un objet incandescent et silencieux surgit du sud-ouest du Canada et disparaît vers le nord-est. 22 minutes après, le Premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau est informé par le président des Etats-Unis Jimmy Carter que le satellite soviétique s’est écrasé dans le Grand Nord de son pays.

Suite à une modélisation faussement rassurante, il a été hâtivement décrété que seul un territoire de 124.000 km² découpé au scalpel était susceptible d’avoir accueilli des déchets du satellite radioactif. Rapporté sur une carte, ce territoire ressemble à un revolver. A l’ouest le Grand Lac des Esclaves, 27.200 km², gelé de septembre à avril qui alimente le bassin du Mackenzie qui se jette dans la mer de Beaufort et l’océan Arctique. A l’est le parc national de la rivière Thelon qui se déverse dans le lac Baker et dont les eaux rejoignent la baie d’Hudson.

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3- Opération Morning Light

 

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Un C-130 canadien et son équipage =>

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A partir du 22 janvier au soir, des détecteurs de radioactivité, des outils de décontamination, des conteneurs, des hélicoptères, des camions, du matériel informatique, des équipements spéciaux sont embarqués dans des avions cargos sur 3 bases militaires de Washington DC, de Californie et du Nevada. La force est prête à se projeter là où le Cosmos 954 tombera. Depuis quelques jours il est sûr que le point d’impact sera sur le continent nord-américain sans plus de précision. 247 millions d’habitants sont toujours inconscients du danger. Très vite dans la matinée du 24, le Canada et les Etats-Unis se sont mis d’accord pour qu’une opération conjointe de recherche et de sauvetage soit menée. L’opération Morning Light – ce nom de code permettait à tous les laboratoires et services américains en alerte depuis plusieurs semaines de communiquer en secret au sujet du Cosmos 954 – est désormais sur les rails et brutalement exposée à l’attention du public et de la presse internationale. En même temps un U2 de l’US Air Force analyse l’air en haute altitude au dessus du grand Nord canadien pour essayer de détecter des bouffées significatives d’Uranium-235 et de produits de fission. Les résultats négatifs indiquent qu’un maximum de la radioactivité artificielle issue du naufrage du satellite est en train de retomber plus ou moins rapidement au sol.

Entre le 24 janvier et le 25 mars, 608 survols des territoires supposés contaminés ont traqué à une altitude moyenne de 300 m les empreintes physiques et radioactives du satellite russe. 1 heure de vol des 4 C130 canadiens produisait des données informatiques décryptables en 4 heures. L’interprétation des données brutes était bâclée. Des signaux très forts d’agrégats radioactifs ont été détectés sans que les équipes débarquées sur place par hélicoptère dans la toundra et sur les lacs gelés parviennent à les relocaliser. La recherche du cœur du réacteur présumé avoir creusé dans le permafrost un cratère d’environ 1 m de profondeur est restée vaine. Les spectromètres de rayons gamma et les ordinateurs supportaient très mal les variations extrêmes de températures. A terre, les équipes chargées de retrouver les déchets et de les emballer étaient aussi au plus mal, en même temps plongées dans l’hiver arctique et dans l’anxiété atomique.

A la fin du mois de mars, l’opération Morning Light est suspendue. Seulement 65 kg de métaux radioactifs mortels au contact ont été récupérés. Le Cosmos 954 pesait 4 à 5 tonnes. Seulement 0,1% du cœur du réacteur a été retrouvé sous forme de particules visibles à l’œil nu, irradiées par de l’U-235, des produits de fission comme le Sr 90 et du Cs 137 et des transuraniens comme le plutonium, soit 31,5 grammes si l’on prend comme référence le poids de 31,5 kg d’uranium à bord du Cosmos 954.

 

Plusieurs de ces particules contenant des millions de becquerels ont été retrouvées près du village de Snowdrift, environ 400 habitants en 1978, 290 en 2012. Source: United States Department of Energy

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Le pré-rapport publié en septembre 1978 et validé par le responsable américain de l’opération Morning Light émet l’hypothèse que le cœur du réacteur s’est volatilisé en particules fines et que 75% de sa radioactivité est concentrée au fond et sur les rives du Grand Lac des Esclaves.

Le journal scientifique Health Physics dit en août 1984 dans un article consacré à l’impact sanitaire de la catastrophe qu’ environ un quart du réacteur – soit 7 à 8 kg – est retombé sous forme de particules fines inférieures à 1 mm de diamètre. Ces microparticules sont tombées comme un brouillard invisible et lent sur les Territoires du Nord-Ouest et les terres nues de l’Arctique et du subarctique. En avril et mai, après le dégel des rivières et des lacs et la fonte des neiges dans la toundra, elles ont été remobilisées, sédimentées, dispersées selon des circuits préférentiels dans des zones d’accumulation plus ou moins connues.

 

4- Information du public

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DR

Les Inuits et les indiens Chipewyan, majoritaires à l’est du Grand Lac des esclaves ont bénéficié de séances d’information de même que les 12.000 habitants de Yellowknife en majorité allogènes. Les habitants étaient appelés à signaler des débris métalliques et à s’en écarter, à s’éloigner des endroits balisés ou en cours d’inspection radiologique. D’un point de vue strictement sanitaire, le discours général était rassurant : la radioactivité est pour l’essentiel diluée, les particules fines sont pratiquement insolubles dans l’eau et seraient en cas d’ingestion rapidement expulsées par les organismes. Il n’y a pas de risques de contamination de l’eau. Comme on le verra plus tard, ce discours officiel sera encore tenu en 2007 quand 29 ans après les faits, des inquiétudes ressurgiront.

En coulisse, les précautions étaient beaucoup plus sévères. Dans les laboratoires d’Edmonton où les déchets étaient regroupés, les techniciens filtraient les échantillons de neige pour séparer d’éventuelles particules radioactives. « Ils étaient en protection intégrale à cause du risque d’ingestion d’éléments radioactifs » précise le pré-rapport de Morning Light. Ingestion certes, mais aussi inhalation et contact précise Robin des Bois.

 

Source : Non technical Summary –US Department of Energy

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5- Le protocole d’accord

Le 2 avril 1981, le Canada et la Russie ont signé à Moscou un protocole d’accord fixant à 3 millions de dollars canadiens les réparations dues au Canada pour toutes les conséquences de la désintégration du Cosmos 954. Pour faire valoir ses droits, le Canada fait observer à l’URSS qu’elle n’a pas répondu aux questions du 24 janvier 1978 réitérées les 27 janvier, 8 février et le 13 avril relatives au réacteur nucléaire, que des débris ont été retrouvés dans les territoires du Nord-Ouest, dans l’Alberta et le Saskatchewan, que tous les débris sauf 2 étaient radioactifs, que certains d’entre eux étaient mortels, que des inscriptions en cyrilliques ont été relevées sur une des pièces, que les opérations d’assainissement répartis en 2 phases (24 janvier-20 avril) (21 avril-15 octobre) avaient pour but de circonscrire et de réduire les dommages existants, de réduire les risques de dommages ultérieurs et de remettre dans toute la mesure du possible les régions concernées dans l’état où elles seraient si l’intrusion du satellite et le dépôt des déchets n’avaient pas eu lieu. Cet accord a été conclu sur le fondement de la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux (1972).

6- Des nouvelles retombées 29 ans après

En 2007 des ex-employés de la station météo de Fort Reliance posent par la voie légale au gouvernement canadien des questions sur le transit de déchets du Cosmos 954 dans leurs lieux de travail et sur les risques éventuels auxquels eux-mêmes ou les personnes qui ont habité pendant plus de 2 ans dans les zones contaminées par l’U-235 auraient été exposés.
Le Ministère de la Défense nationale répond que « des débris ont effectivement transité par Fort Reliance, qu’ils étaient entreposés dans des conteneurs convenables pour empêcher la contamination externe, par exemple des boîtes convenablement gainées en plomb ». Les conteneurs étaient ensuite dirigés par aéronefs sur Yellowknife puis à Edmonton (province de l’Alberta) pour entreposage temporaire dans un caisson mis à disposition par le Ministère de la Défense Nationale en attendant l’expédition sous escorte vers Winnipeg puis à Pinawa (Manitoba) pour stockage.

Le Ministère des Ressources Naturelles souligne dans sa réponse qu’au moment de l’écrasement du Cosmos 954, le Canada n’avait pas une politique spécifique pour ce type de situation unique. « Un Plan Fédéral en cas d’urgence nucléaire » a été institué en 1984. Ce plan est administré par Santé Canada.

Santé Canada répond n’avoir participé à aucune des inspections à Fort Reliance et reprend les arguments de 1978 : « Si une particule avait été ingérée accidentellement, elle aurait transité telle quelle dans le tube digestif ». « Les doses estimées à la sortie du gros intestin se situent dans la gamme de 40 à 140 mSv ». « Ces doses sont typiques de certaines manœuvres exécutées en radiologie diagnostique ». « Aucun effet préjudiciable pour la santé ne serait à prévoir à ces niveaux ».
Santé Canada n’imagine pas que des habitants aient pu plusieurs fois de suite ingérer des particules radioactives et estime qu’après 1980, aucun danger pour toute personne touchant, manipulant, inhalant ou ingérant des débris n’était plus présent !

08_reliance8_robin-des-boisFort Reliance 1957
Photo Fred Burwell
09_reliance_robin-des-boisFort Reliance 1951
Photo Edith Nielsen

 

7- Où est passé l’Uranium-235 ?

A – Parc de Thelon

10_Antlers_Cosmos-954_debris_cropped_robin-des-boisSource: United States Department of Energy  11_Cosmos acrylic by Nick MacIntosh_robin-des-boisCosmos acrylic by Nick MacIntosh 
Matin du 24 janvier. Deux naturalistes faisant des relevés météo pour le compte du gouvernement canadien repèrent pendant une randonnée en traineau à chiens une grosse pièce métallique. En rentrant au camp de base, ils apprennent la chute du Cosmos 954. Ils venaient de découvrir le premier débris. Le Yellowknifer, journal régional, qualifia ces ferrailles radioactives de « bois » du satellite en référence aux « bois » des caribous.  Sous les « bois » du Cosmos 954 des milliers de trous dans la neige fondue montrent qu’au moment de l’impact une substance pyrophorique s’est répandue sur les lieux. Sans doute du sodium liquide qui servait à refroidir le réacteur. Les artistes n’ont pas eu tort d’assimiler les vestiges du satellite à une source thermique inextinguible.

 

C’est au cœur de ce sanctuaire que la plus forte densité de macro déchets provenant du Cosmos 954 a été relevée entre fin janvier et avril 1978. Le Parc National de Thelon a été créé en 1927 pour protéger le bœuf musqué et le caribou de l’extermination par les chasseurs trappeurs. Dès 1930, le gouvernement canadien avait interdit à l’intérieur du parc toute activité minière le protégeant ainsi de l’abandon de déchets, sauf ceux venus du ciel.

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Caribous dans la toundra © Galen Rowell/Corbis
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Boeuf musqué traversant une rivière © Steve Maka
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Lagopède, plumage d’hiver
© David R. Gray, Canadian Museum of Nature
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Lagopède, plumage d’été
© Ken Simonite
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Ombre arctique
Crédit image Environment Yukon

 

La faune du sanctuaire de Thelon a été contaminée par les retombées du Cosmos 954. Les caribous se nourrissent de lichens terricoles ou arboricoles et de champignons, les bœufs musqués d’herbes de la toundra, les lagopèdes de baies, d’invertébrés, de bourgeons. Toute la faune y compris la dizaine d’espèces de poissons dans les rivières et les lacs a été contaminée par les retombées du Cosmos 954. Personne ne connaît les niveaux d’imprégnation radioactive des chaînes alimentaires des herbivores, des piscivores, des omnivores comme les loups et les ours et sur la chaîne alimentaire des chasseurs-collecteurs Inuits et Indiens sur l’ensemble des territoires contaminés.

 

B – Le Grand Lac des Esclaves

C’est le deuxième grand écosystème directement visé par la pollution radioactive du satellite. Etymologiquement, son nom est tiré des Slavey, une des tribus indiennes du bassin du Mackenzie. C’est le 9ème plus grand lac du monde. La pêche récréative ou commerciale y est aujourd’hui très active de mai à septembre. Les îles, les marais, les rives, sont des aires de nidification pour de nombreuses espèces et des aires de repos pour les oiseaux migrateurs qui au printemps suivent la vallée du Mackenzie pour aller pêcher sur les côtes de l’océan Arctique.

 18_GSL_Planetflyfishing11_robin-des-bois© Planet Fly Fishing  19_Great Slave Lake_NWT Film_robin-des-bois© Northwest Territories Film

 
Dans son livre Operation Morning Light – Terror in the Sky, the True Story of Cosmos 954 – paru à la fin de l’année 1978, Leo Heaps écrit dans le chapitre final sur la contamination : « Qui aura le courage de dire que les poissons dans le Grand Lac des Esclaves sont radioactifs ? ». Au vu des retours d’expérience internationaux après les accidents d’origine nucléaire observés depuis 1985, Robin des Bois estime que le gouvernement canadien a le devoir de déclencher une étude radiologique des sédiments, de la faune et de la flore benthique et des poissons du Grand Lac des Esclaves en prenant en compte les radionucléides à vie longue.

 

Sur le même sujet:
“Les déchets dans l’espace” (pdf 60 p.)
“Polar Star” n°2. 2750 sites pollués en Arctique

 

Rédaction :
Jacky Bonnemains
Documentation et illustration:
Miriam Potter, Jean-Pierre Edin, Christine Bossard et Charlotte Nithart
Cartographie :
Christine Bossard
Traduction :
Miriam Potter et Jacky Bonnemains

Sources

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