Les nouveaux risques pyrotechniques de Toulouse

31 oct. 2012

La France a été le théâtre de trois guerres modernes, 1870, 14-18, 39-45. Les belligérants ont fabriqué, utilisé, stocké, transporté ou abandonné des quantités incalculables de munitions encore actives dans les sols, sous-sols, rivières et mers.

Les matériels de guerre enfouis dans la terre sont un danger mortel pour les travailleurs et les populations. Ils exposent l’environnement à des risques méconnus ou occultés par les élus locaux, les services de l’Etat, les architectes et les urbanistes.

La dépollution pyrotechnique dans le quartier de la Cartoucherie prévue entre le 1er et le 4 novembre 2012 et entre le 5 et le 23 novembre 2012 montre l’incapacité générale à planifier la construction d’une Zone d’Aménagement Concerté (ZAC) sur une friche industrielle. Même le vocabulaire est faussé. Le site Internet de la Mairie de Toulouse parle de « réhabilitation des sols à la Cartoucherie ». En fait il s’agit bien d’un déminage.

Le passé militaire de Toulouse n’a pas fini de livrer ses secrets, ses caches et ses imprévus. La Cartoucherie dont les premières activités remontent au XIX° siècle est située à près de 4 km de la plateforme chimique AZF/SNPE.

Dans la première phase, entre 1990 et 2000, un Zénith et les services des Pompes Funèbres Générales ont été implantés sur la partie sud de la Cartoucherie. A l’issue de la dépollution partielle, des résidus de grillages de munitions contenant du cuivre, du zinc, du plomb, de l’arsenic ont été laissés sur place avec des matériaux de démolition. La Garonne est tout près. La ville de Toulouse s’est soumise en 2002 à un arrêté préfectoral de 1995 en établissant auprès du Bureau des Hypothèques une servitude garantissant l’imperméabilité et l’accessibilité du dépôt de déchets attenant au Zénith en cas de mutation ou de changement d’affectation des terrains.

La deuxième phase actuelle du projet sur les secteurs est/ouest de la Cartoucherie a été agrémentée du nom magique et masquant « d’éco-quartier ». Les éco-quartiers sont construits en milieux pollués. Dans les éco-quartiers, la Haute Qualité Environnementale n’est pas avare de panneaux solaires dans les hauts mais elle dédaigne les bas. Elle s’arrête aux fondations et au niveau des sols pelés désertés par la biodiversité. L’éco-quartier toulousain de la Cartoucherie ne fait pas obstacle à la règle. Les protocoles de dépollution de la phase 1 ont été appliqués à la phase 2 en adéquation avec un futur usage commercial ou industriel. Observons que l’usage résidentiel est maintenant généralisé dans la phase 2 alors que dans la phase 1 il était exceptionnel, uniquement réservé à une résidence universitaire dont les occupants ont statistiquement un faible temps d’exposition aux polluants. Dans l’éco-quartier, le temps d’exposition des résidents permanents sera beaucoup plus long et la population comptera de nombreux enfants connus pour être très vulnérables aux effets des polluants.

Peu importe, les élus et les urbanistes en étaient sûrs en janvier 2012. Tout allait pour le mieux dans le meilleur des projets et la phase de dépollution débutée en 2001 était selon eux achevée.

Dix mois plus tard, les risques sont de retour, des poches de munitions et de résidus de munitions ont été découvertes. Il y a principalement des obus de petit calibre dépourvus de leurs fusées et quelques munitions exotiques. Nul ne sait ce qu’il y a dans les fonds des poches. Les mauvaises surprises ne sont pas à écarter et les pollutions sous-jacentes non plus.

Robin des Bois s’intéresse aux déchets des guerres depuis 10 ans. Les déchets des guerres ne disposent pas d’une filière établie et réglementaire. Les retards et les tergiversations dans la reconversion de la friche militaire de la Cartoucherie sont l’occasion de rappeler des recommandations élémentaires rarement prises en compte :
– chaque maire doit, à l’examen des documents et témoignages dont il dispose ou peut disposer, faire l’inventaire cadastral de toutes les parcelles susceptibles de dissimuler des munitions abandonnées ;
– toute autorisation de travaux, y compris les travaux de dépollution, nécessitant une excavation ou un remaniement du sol doit être subordonnée au dépistage préalable des déchets de guerre et à leur extraction.

Voir à ce sujet le dossier « Déchets de guerre »

Imprimer cet article Imprimer cet article