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Les dés sont ipé

La passerelle Solférino en plein cœur de Paris va susciter un tollé. Inscrite dans la série des évènements parisiens de l’an 2000, son inauguration est prévue à l’automne 1999. Son coût total est de 100 millions de francs payés par le ministère de la Culture et le ministère de l’Equipement.

Elle sera, selon les exigences et les habitudes de son architecte-concepteur le cabinet MIMRAM, hyper exotique : 50 m3 d’iroko pour les pièces de rives, 20 m3 de doussié pour les mains-courantes et 2000 m2 d’ipé pour les planchers. Cette juteuse balance de bois d’Afrique et d’Amérique du Sud a déjà été mise en œuvre à la Bibliothèque Nationale de France (BNF) par son collègue Dominique Perrault.

L’iroko (Milicia excelsa) est un arbre africain surexploité depuis le début du siècle. Il est considéré comme vulnérable depuis 1986 par l’Organisation des Nations-Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO).
Le doussié rouge (Afzelia bipindensis) est une essence africaine rare, dont la densité des peuplements est faible. Au rythme intense de son exploitation actuelle, ce bois dont la mode en France a été lancée par le chantier de la BNF risque à court terme de se trouver en situation de vulnérabilité.
Quant à l’ipé d’Amazonie (Tabebuia spp.), de nombreux scientifiques s’opposent à son exploitation en soulignant l’absence de connaissances sur le genre Tabebuia et sur ses capacités de régénération. L’emploi massif de l’ipé sur l’esplanade de la BNF a suscité de vives polémiques dès 1991, à cause de la rareté de cet arbre amazonien et de l’inattendu potentiel de glisse de son bois sous la pluie de Paris. Pourtant le cabinet MIMRAM s’obstine à vouloir l’utiliser pour les platelages de la passerelle Solférino, et aurait très récemment donné l’ordre de commencer son usinage sans examen sérieux de la “variante chêne” prévue dans la procédure d’appel d’offres.

Les déclarations publiques de M. Mimram évoquant une absence de références sur la durabilité du chêne en platelage mobilisent contre elles de nombreux professionnels et organismes forestiers travaillant cette essence. Ils soulignent que le chêne est employé depuis le XVIème siècle en construction navale, et que des exemples récents ou anciens de son utilisation sont bien visibles en France.
La volonté de l’architecte et maître-d’ œuvre d’imposer une passerelle entièrement en bois tropical est une provocation pour les organisations de protection de l’environnement. Depuis une dizaine d’années, l’architecture publique à Paris n’a cessé de faire appel aux essences exotiques. Les essences issues des forêts tempérées, non-menacées de disparition, ont été négligées. Un rééquilibrage est nécessaire, et le chantier prestigieux de la passerelle Solférino en est l’occasion.
Pour la saisir, Robin des Bois amplifiera la mobilisation de l’opinion publique et des professionnels du bois.