L’Australie riposte

12 juil. 2013

Note d’information n°7
Les baleines devant la Cour Internationale de Justice
La Haye, Pays-Bas, audiences du 9 au 10 juillet 2013

La deuxième série des auditions de l’Australie a eu lieu les 9 et 10 juillet. Elle a sonné comme un rappel à l’ordre et à la source du conflit. Le retour de l’Australie à la barre a en effet établi une clarification des arguments de droit. L’Australie a réaffirmé que sa plainte concernait « l’incapacité d’un pays à se conformer à son obligation légale internationale de ne pas recourir à des activités de chasse commerciale aux baleines, une obligation à laquelle le Japon a déclaré se conformer mais qu’en même temps il a immédiatement commencé à contourner ». L’Australie a aussi fait un sort aux attaques non fondées que le Japon dans le premier temps des audiences a lancées à son égard. L’Australie a soutenu sans ambages que la défense du Japon était en fait une offense non seulement pour elle mais aussi pour tous les Etats membres de la CBI, pour la communauté scientifique et pour la Cour Internationale de Justice. L’Australie s’est attachée à démolir un à un les arguments du Japon. Sur le fait qu’elle aurait « couvert » les activités de Sea Shepherd dans l’océan Austral, l’Australie rappelle qu’elle a formellement engagé tous les navires navigant dans cette zone à respecter le droit international, que ces navires soient placés sous la responsabilité du Japon ou de Sea Shepherd. C’est d’ailleurs en référence à ce droit international qu’elle a introduit sa plainte devant la Cour Internationale de Justice. L’Australie assume pleinement ses responsabilités en ce qui concerne l’assistance à tous les navires dans l’océan Austral.

En réponse aux allégations du Japon sur « la croisade morale » contre la consommation dans le monde de la viande de baleine et sur son prétendu « impérialisme culturel », l’Australie a soutenu au contraire qu’elle respectait toutes les diversités et que la plainte devant la Cour de La Haye était exclusivement axée sur le respect du droit international.

Concernant ses capacités surnaturelles à prolonger indéfiniment le moratoire sur la chasse aux baleines, l’Australie réplique qu’elle aimerait disposer de la moitié seulement de l’influence diplomatique que lui attribue le Japon. L’Australie ne veut pas être assimilée à un metteur en scène qui manipulerait un certain nombre de pays que le Japon se garde de désigner, comme on manipule des marionnettes. Tous les arguments du Japon relèvent de la mauvaise foi et mettent en doute l’honnêteté de toutes les parties prenantes.

Rien ne prouve que JARPA II respecte le droit international tel qu’il est défini par la Convention baleinière. Les arguments du Japon se caractérisent par « le silence, la contradiction et le dénigrement ». Aucune preuve d’une évaluation scientifique de la transition entre JARPA I et JARPA II n’a été présentée, silence aussi sur les modalités de la mise à mort des baleines et sur le nombre des baleines à échantillonner pour accéder à la fiabilité des résultats recherchés. Rien non plus dans l’argumentation japonaise sur la nécessité scientifique de tuer des baleines à bosse et des rorquals communs. Quant aux rorquals de Minke, rien ne vient justifier l’extension du quota scientifique de 350 dans JARPA I à 850 et 935 individus dans JARPA II, un chiffre qui, en passant, approche de très près le quota de la dernière saison commerciale 1986-1987*.

Sur la question des objectifs scientifiques des programmes du Japon, à savoir la connaissance de l’âge des baleines par l’analyse des bouchons auditifs, les variations dans l’épaisseur des couches de graisse, la compréhension de l’écosystème de l’océan Austral, la contribution à la définition de niveaux acceptables de prises commerciales (Revised Management Procedures), JARPA I et II n’ont pas, selon l’Australie, ouvert des horizons nouveaux. Aucune hypothèse ou conclusion substantielle n’a été formulée après 26 ans de recherches. Revenant sur le cas de l’analyse des bouchons auditifs, seule partie du programme qui puisse justifier la capture des baleines, l’Australie constate qu’après toutes ces années aucune connaissance scientifique supplémentaire n’a été produite sur le cycle de vie des baleines. C’est comme si le Japon disait à la Cour « qu’une pièce pleine de centaines ou milliers de baleines découpées en morceaux est un laboratoire scientifique ». L’Australie souligne aussi que les félicitations et approbations prétendument émises par le Comité Scientifique de la CBI émanent des scientifiques … japonais majoritairement présents aux réunions intermédiaires du Comité. En réplique aux accusations du Japon selon lesquelles les 63 scientifiques ayant refusé de participer à l’examen critique de JARPA II menaient en fait une action de boycott politique, l’Australie a énuméré quelques uns de leurs travaux et invité le Japon à s’en tenir au mérite de chacun et à la réglementation.

Une remarque d’intérêt a suivi sur la capacité du navire usine baleinier Nisshin Maru, le Japon déclare que sa capacité de stockage est de 1.650 tonnes de viande de baleine. Pour être en adéquation avec son « auto-quota » de 3.200 tonnes, le Japon devrait en fait mobiliser deux navires usines ou des navires congélateurs d’appoint, ce qu’il s’est abstenu de faire. Selon l’Australie, ces quotas plafonds font partie d’une stratégie commerciale et ils sont ajustés en fonction de la demande pour garantir des prix raisonnables sur le marché intérieur.

Sur la question de la Zone Economique Exclusive australienne dans l’océan Austral et de la compétence de la Cour Internationale de Justice, le Japon se raccroche à de faux espoirs. En effet, l’Australie a émis une réserve sur la compétence de la Cour Internationale de Justice pour régler les litiges relatifs aux revendications maritimes ; cependant, « cette réserve concerne exclusivement des litiges sur les délimitations des frontières maritimes et sur l’exploitation des ressources entre l’Australie et un autre Etat ». Il n’y a pas une telle polémique entre l’Australie et le Japon. En outre les activités baleinières japonaises couvrent la moitié de l’océan Austral à des milliers de milles nautiques des eaux susceptibles d’être revendiquées par l’Australie qui de plus n’a évidemment aucune prétention à exploiter les ressources baleinières. L’Australie a effectivement concentré sa plainte sur JARPA II dans l’océan Austral à cause de son implication dans les recherches visant à mieux comprendre les fonctions de l’écosystème antarctique.

Même en langage diplomatique, le message de l’Australie est sans équivoque. Les activités du Japon ne peuvent pas être qualifiées de scientifiques. Elles contreviennent à l’esprit et au texte de la Convention baleinière. L’Australie n’a eu de cesse pendant ses auditions de démontrer en quoi les actions du Japon sont illégales au regard du paragraphe 10 (e) de la CBI qui enjoint les Etats membres à ne pas mener des activités de chasse baleinière commerciale.

* Le rorqual de Minke est l’espèce qui commercialement intéresse le plus les japonais, c’est pourquoi ils ont émis une objection spécifique sur les rorquals de Minke après l’adoption du sanctuaire baleinier en Antarctique. Eu égard à cette objection, ils pourraient légalement y chasser les rorquals de Minke si la chasse commerciale était de nouveau autorisée.

 

 

 

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