Un amour plutonique

14 sept. 2004

Sujet : transport terrestre et maritime de plutonium militaire depuis les Etats-Unis jusqu’en France et retour.

 

En ce moment et en général, les États-Unis et la France se détestent, excepté pour le trafic de Vache qui Rit, et ne ratent pas l’occasion de le faire savoir. Il y a un domaine cependant, où malgré la dégradation de leurs rapports physiques, les deux pays se vouent un intérêt, une attention et une attirance mutuelle et constante depuis 1941, c’est celui du plutonium.

Glenn Seaborg est l’inventeur du plutonium de qualité militaire. Sans lui la bombe sur Nagasaki n’aurait pas pu être expérimentée et provoquer la mort de cent mille Japonais. A dire vrai, Glenn Seaborg et d’autres scientifiques éminents ont proposé au président Truman de faire la démonstration de l’efficacité de ces premières armes de destruction massive dans une région désertique et d’appeler ensuite à la reddition immédiate des armées japonaises. M. Seaborg a reçu en 1996 le titre de docteur Honoris Causa à l’université d’Orsay, près du complexe nucléaire de Saclay, devant un parterre ébloui de spécialistes des affaires nucléaires. Il en a profité alors pour redire que le plutonium fissile de qualité militaire issu du démantèlement des armes nucléaires ordonné par les programmes Start 1 et 2 (Strategic Arms Reduction Treaty) devrait être recyclé dans les centrales nucléaires électrogènes.

Exactement l’avis de la Cogema. Quelques semaines après la mort de Glenn Seaborg en 1999, la Cogema a été choisie par le U.S. Department of Energy pour construire, mettre en route et faire fonctionner aux Etats-Unis une unité de fabrication de combustible MOX à base d’uranium et de plutonium d’origine militaire. Maintenant, afin de valider l’usage de ce MOX très particulier et la faisabilité du contrat, les Etats-Unis ont besoin de brûler quelques assemblages têtes de série (Lead Test Assemblies : LTA) dans des centrales nucléaires sélectionnées. La première serait la centrale de Cathawba en Virgine; elle appartient à la compagnie d’électricité Duke. Cette compagnie est associée à la Cogema dans la mise au point et la construction de l’atelier américain de MOX qui fonctionnera au mieux en 2010.

Comme prévisible, les deux partenaires ne sont pas entièrement solidaires. Dans son memorandum justifiant cette option finale, la U.S. Nuclear Regulatory Commission, l’équivalent de l’Autorité Française de Sureté nucléaire, déclare : “nous considérons comme incompatible avec la sécurité et la défense communes les actions qui présentent une probabilité de risque grave ou exceptionnellement grave pour les Etats-Unis. Ainsi, une fois que les matériaux nucléaires fissiles ont quitté les Etats-Unis, le risque principal relève du vol de ces matériaux. Pour ce permis spécifique d’exportation, le potentiel de dommages critiques pour les Etats-Unis réside 1- dans le vol d’une quantité suffisante d’oxyde de plutonium pendant le transport, ou dans l’usine française, 2- dans l’incorporation de ce plutonium dans un dispositif nucléaire bricolé, ce qui serait une arme de destruction massive, 3- dans le transport de cette munition aux Etats-Unis, et enfin 4- dans son utilisation à l’intérieur des Etats-Unis.”
En d’autres mots les risques, d’incendie, de collision et de toute autre forme d’accident et d’attaque ou de sabotage radiologique visant à empoisonner l’environnement et les populations en mer ou pendant le transport routier de plutonium militaire U.S. sont acceptables s’ils surviennent en dehors des Etats-Unis.

L’option américaine de fabriquer les LTA en France témoigne encore une fois de la lenteur, des hésitations et du machiavélisme du business nucléaire mondial. Le contrat de 115 millions de dollars entre la Cogema et les Etats-Unis a été signé il y a plus de 5 ans. Au moment précis où le contexte international est envahi par le terrorisme, le chantage, et autres démonstrations de force aveugle, les Etats-Unis et la Cogema se mettent d’accord pour effectuer des tests préliminaires obligeant au transport transatlantique de plutonium 239 et son mélange avec de l’uranium enrichi dans une usine du Sud de la France (Cadarache), qui est fermée et sera démantelée à partir de l’année prochaine à cause de risques sismiques ! Quand le contrat a été signé en 1999, il était prévu de construire un atelier-pilote à Hanford, à Savannah River ou au Texas. Maintenant, selon les autorités américaines, ces LTA ne peuvent être élaborés qu’à l’étranger, et en l’occurrence en France.

Dans ces conditions techniques et politiques, nous, membres de Robin des Bois appelons à l’annulation de ces voyages de plutonium aller et retour, espérant encore que les membres du Congrès américain et les candidats à l’élection présidentielle, ainsi que les services de sécurité français et américains se rejoindront très vite pour désapprouver et interdire cette incohérence imminente.

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