Lettre ouverte aux gouvernements des pays-membres de la Convention de Washington

26 janv. 1999

Le commerce international de l’ivoire sera réouvert entre 3 pays d’Afrique australe et le Japon en mars 1999 conformément à la décision prise par les pays-membres de la Convention de Washington (CITES) à Harare au Zimbabwe, en juin 1997. Mais le Comité Permanent de la Convention devra préalablement s’assurer que les 11 conditions à la reprise du commerce sont effectivement remplies. Pour l’essentiel, elles concernent le renforcement de la coopération interafricaine dans la maîtrise du braconnage des éléphants et de la contrebande de l’ivoire. Cet examen aura lieu à Genève au palais des Nations-Unies du 8 au 12 février 1999. Plus d’une centaine de délégations des pays-membres sont attendues.

Les pays africains de l’aire de répartition des éléphants disposaient de 21 mois pour mettre au point et mettre en œuvre ces dispositifs. Cette longue gestation aurait dû permettre aux pays africains d’entourer les éléphants d’un réseau de protections physiques et administratives.

Mais depuis l’été 1997, les conflits régionaux, internes, externes et frontaliers se sont multipliés, aggravés, enlisés, relancés en Afrique. Il est attesté que, au moins depuis 1978, l’échange d’ivoire ou d’autres matières animales, végétales ou minérales contre des équipements militaires y est une pratique courante. Aujourd’hui les pays où vivent les 4/5ème des éléphants africains sont entrés en conflits ou en subissent les conséquences dans les zones frontalières.

La Convention de Washington est placée sous la tutelle de l’Organisation des Nations-Unies. Monsieur Kofi Annan, son Secrétaire Général, a déclaré à Paris en novembre 1998 que «jamais l’Afrique n’a été autant affligée par la guerre et la misère qu’aujourd’hui». Dans cette situation critique, ce serait d’une grande naïveté ou d’une grande complaisance de prétendre que les conditions posées à la réouverture du commerce de l’ivoire sont remplies ou même en voie d’être remplies. D’autant que, conformément aux inquiétudes de beaucoup d’experts et de pays à éléphants, dont l’Inde, l’ivoire est redevenu un placement spéculatif.

Il convient donc de surseoir à l’entrée en vigueur du commerce international de l’ivoire jusqu’à la 11ème réunion plénière de la Convention de Washington qui se tiendra en l’an 2000 au Kenya. Des informations fiables et globales sur les impacts des guerres sur les populations d’éléphants pourraient y être délivrées, si toutefois la réouverture du commerce international de l’ivoire constitue pour l’Afrique une priorité.

 

Repères:

-En septembre 1989, la 7ème Conférence plénière de la Convention de Washington portant sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction vote à une très forte majorité, avec notamment les voix de la France et de tous les pays de l’Union Européenne, l’interdiction du commerce international de l’ivoire.
-En 1992, à Kyoto, l’Afrique du Sud soutenue par le Japon soumet avec le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe une proposition de réouverture du commerce de l’ivoire. Elle est retirée juste avant le vote, sous la pression de tous les autres pays de l’aire de répartition.
-En 1994 à Fort Lauderdale, le Zimbabwe obtient d’être le pays d’accueil de la prochaine réunion plénière.
-En juin 1997, à Harare, le Zimbabwe, le Botswana et la Namibie arrachent l’autorisation d’exporter de l’ivoire à destination du Japon, contre la volonté de la majorité des pays de l’aire répartition mais avec l’aide de l’Union Européenne. Sur le continent africain, il y aurait environ 400.000 éléphants d’après des évaluations rassemblées en 1989 et confirmées en 1995. Les comptages sont impraticables depuis plusieurs années dans des pays-clef comme l’ex-Zaïre.

 

 

 

 

 

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