La consternation de l’ours blanc

5 févr. 2013

L’ours polaire (Ursus maritimus) est un mammifère marin qui se nourrit d’autres mammifères marins. Il vit pour l’essentiel sur la banquise arctique, sur les glaces de mer et en mer ouverte. C’est un excellent nageur. La banquise, le domaine vital de l’ours polaire, est en régression. Les prédations et les risques mortels pour les ours polaires sont en augmentation.

L’ours blanc fait fondre les cœurs. Les gouvernements et les ONG l’exploitent comme emblème et martyr du réchauffement climatique. L’ours blanc est devenu un top-model et un bailleur de fonds.

Pourtant en pratique, quand il s’agit de venir dès maintenant à son secours, il y a un monde fou aux abonnés absents. Les faux-amis oublient les menaces immédiates et historiques qui pèsent sur l’espèce entière :

– Le commerce international légal des ours blancs est sanguinaire et florissant. Griffes, pelisses, mâchoires, crânes, dents, trophées de chasse, spécimens vivants s’arrachent à condition d’y mettre le prix. Dans le cœur de Paris, un ourson blanc naturalisé se vend 20.000 euros, l’adulte 40.000 euros et la peau 18.000 euros. Chaque année, ceux qui vendent la peau de l’ours blanc sont responsables de la capture ou de l’abattage de 800 individus. La population globale est estimée entre 20.000 et 25.000 divisée en 19 populations connues et réparties sur un territoire de 15 millions de km2 en hiver et de 3 millions de km2 en été. Les données démographiques sont lacunaires, imprécises, anciennes ou même inexistantes pour 4 sous-populations. Au commerce légal, il convient d’ajouter le trafic illégal aiguisé par la boulimie de l’Asie et du Moyen-Orient pour les parures animales. Un des foyers virulents du braconnage sévirait en Russie dans la mer de Béring.

– A la chasse s’ajoute l’exposition aux pollutions chimiques. Les ours polaires sont au sommet de la chaîne alimentaire arctique. Leurs proies sont contaminées et contaminantes. Les ours polaires accumulent les polluants persistants historiques et émergents dans les tissus, dans le sang et dans les graisses. La littérature internationale est abondante à ce sujet depuis le début des années 1980. Courant 2010, une nouvelle étude danoise publiée dans Environment International a confirmé que les ours polaires sont parmi tous les mammifères, y compris l’homme, les plus contaminés par les résidus chimiques des activités humaines et des incendies des forêts boréales. Les scientifiques vétérinaires danois constatent que la dose quotidienne de PCB, de lindane et de composés bromés dépasse très largement les valeurs-guides sanitaires recommandées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour le genre humain. Ils notent d’autre part que les teneurs en mercure et en composés fluorés sont en constante augmentation. « Ces agressions chimiques peuvent avoir pour conséquence le déclin des populations d’ours polaires ». A leur corps défendant, les ours polaires sont les poubelles biologiques de l’Arctique.

– A la chimie s’ajoute le bruit. Les ourses blanches s’enterrent dans leur tanière de glace en octobre et y mettent bas en décembre. La mortalité naturelle des petits atteindrait 70%. Ils sont totalement dépendants de leur mère. Malgré l’insonorisation des tanières de glace et de neige, les bruits sont susceptibles de pousser les mères à la fuite et à l’abandon des portées. En Arctique, le harcèlement acoustique est multiple et en expansion : hélicoptères, travaux miniers, recherches sismiques, forages, brise-glace, véhicules tout terrain, bases-vie…

– Les activités humaines génèrent pour les ours polaires et la faune arctique d’autres stress que le bruit. Importés et favorisés par la colonisation industrielle, les trafics maritimes de marchandises et de voyageurs, le « polar bear watching » et le réchauffement climatique actuellement observé, des germes pathogènes provoquent des épisodes de plus en plus fréquents de mortalité parmi les populations de phoques, de morses et d’ours polaires. Il est par ailleurs noté depuis plusieurs décennies que l’acculturation du genre Ursus maritimus au genre humain provoque chez le premier des intoxications alimentaires mortelles, les ours polaires ayant dans certains cas pris l’habitude de parcourir les décharges de déchets et les sites pollués toxiques abandonnés sur le littoral de l’océan Arctique.

– Le cauchemar majeur, c’est la marée noire. Les risques d’occurrence sont élevés. Les moyens de confinement et de remédiation sont très faibles en Arctique ou absents. Les marées noires seront catastrophiques pour toutes les chaînes trophiques et pour les ours polaires.

Les Etats-Unis présenteront à Bangkok au mois de mars 2013 une proposition d’inscription des ours polaires à l’Annexe I de la CITES, Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. L’Annexe I interdit le commerce international. L’inscription de l’ours polaire à l’Annexe I de la CITES est le moyen concret immédiatement disponible pour réduire les risques d’extinction de l’espèce. Cette proposition avait été refusée à Doha au Qatar en mars 2010 ; les 27 pays de l’Union Européenne présents avaient voté contre. La nouvelle position de l’Union sera débattue demain à Bruxelles. Aujourd’hui encore la France hésite. Elle se réfugierait dans l’abstention. Seule la Russie parmi les pays de l’aire de répartition des ours polaires soutient les Etats-Unis. Le Canada, le Danemark au nom du Groënland, la Norvège sont contre la proposition des Etats-Unis.

 

 

 

 

 

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