Erika: les chantiers s’enlisent

6 sept. 2000

– Épaves: Les déclarations bonhommes de M. le Ministre des Transports, responsable récent de la coordination du plan Polmar Mer, ne font pas oublier la vérité: les épaves de l’Erika ne peuvent pas être considérées comme inertes. En plus des résidus d’hydrocarbures collés sur les parois et les fonds des cuves (l’épaisseur annoncée de cette sédimentation, soit 2 mm, est évidemment très sous-estimée compte tenu du fait que le bateau était spécialisé dans le transport d’hydrocarbures lourds et visqueux), l’Erika cassée en deux contient aussi des fluides toxiques et des peintures biocides. Deux points noirs sur des fonds riches en langoustines, comme un immense parking sous-marin avec des citernes gluantes, ne peuvent pas être qualifiés de déchets ultimes par Robin des Bois ni par le Collectif Anti Marées Noires de Saint-Nazaire. L’idée d’abandon de ces matériaux au fond de la mer n’est pas compatible avec une politique de réparation totale des dommages infligés aux ressources marines. Le renflouement est possible, des précédents existent. Grâce à la technologie française (et russe) on va chercher depuis plusieurs années des assiettes en porcelaine dans l’épave du Titanic par 3600 m de fond. Il est possible d’aller chercher deux gros tas de ferraille par 120 m. Il faut prendre en compte les priorités d’un État maritime moderne que sont la préservation des ressources halieutiques, la qualité de l’environnement marin et la sécurité des activités de pêche. Dans ces perspectives, le Ministère des Transports exercerait ses responsabilités en procédant à un examen de la faisabilité des opérations de renflouement, et en installant simultanément un comité de suivi des épaves au-dessus desquelles, aux dires même des représentants de l’État, des irisations sont toujours visibles. Ces décisions iraient dans le sens d’un des projets-phares de l’Organisation Maritime Internationale: la convention internationale sur l’enlèvement des épaves. Elle est fondée sur la protection de l’environnement et la sécurité. Elle devrait être soumise à la ratification des pays membres en 2002.


– Déchets de pompage
: Le liquide pompé dans les cuves de l’Erika n’a rien à voir avec la marchandise “franche et loyale” telle que qualifiée par son producteur Total au départ de la raffinerie de Dunkerque, le 8 décembre 1999. C’est une mixture d’hydrocarbures hautement soufrés et riches en micro-polluants toxiques comme le vanadium, mélangée à de l’eau de mer, des agrégats marins et de l’ester de colza. C’est en quelque sorte un loupé de fabrication, et c’est à coup sûr un déchet d’hydrocarbures. Le protocole d’élimination de ces déchets doit être encadré par la DRIRE et soumis à l’approbation de l’opinion publique. Projeter de les brûler en interne, chez Total, au Havre sur un site dangereux (deux incendies en quelques mois), et polluant (Total le Havre est le premier pollueur national en effluents atmosphériques) relève de la gageure.


– Les déchets de ramassage:
On s’achemine vers un gisement global de 230.000 tonnes. Le traitement prend un retard considérable. Total exige depuis deux mois un protocole spécifique avec l’État français, histoire de remettre en avant le caractère volontaire de sa démarche et de trouver un contributeur supplémentaire aux frais engagés qui dépasseront les 200 millions de la cagnotte Total réservée à cet effet. Le Ministère de l’Environnement refuse à juste titre de signer un tel document qui ne faisait pas partie du scénario avancé, et qui risquerait d’interférer avec les procès en cours entre les communes littorales et le pétrolier. Les macro-déchets extraits des lagunes et stockages de Donges et de Paimboeuf seront brûlés dans des incinérateurs de déchets industriels spéciaux, voire dans des cimenteries, les déchets liquides de fuel seraient brûlés d’où ils viennent, c’est-à-dire à Dunkerque. Les eaux polluées seraient traitées à Donges. La petite commission locale d’information et de surveillance (CLIS) qui se réunit pour la première fois aujourd’hui en mairie de Donges paraît elle aussi notoirement sous-dimensionnée.

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