Des déchets dangereux sur Internet ou RFF et SCNF entre développement durable et duraille

3 avril 2007

Comment se procurer, via Internet, des déchets dangereux ? Comment vendre du charbon de bois fabriqué à partir de déchets dangereux ? Comment exporter illégalement des quantités importantes de déchets dangereux ? Comment retrouver des déchets dangereux dans des bacs à sables, bancs de jardins et autres équipements à usage domestique ou d’aménagement ? Comment deux entreprises publiques peuvent elles prendre le risque de porter atteinte à la Santé de l’Homme et à l’Environnement ? Chaque année Réseau Férré de France (RFF) et la SNCF retirent des voies 1 300 000 traverses, soit près de 100 000 tonnes de bois imprégné de créosote. La présence de cette substance très toxique a conduit à classer ces traverses en déchets dangereux. Réseau Ferré de France (RFF) en est le propriétaire, la SNCF en assure la maintenance et en amont procède, dans ses unités spécialisées, au créosotage de ces futurs déchets dangereux. La SNCF est le producteur des déchets. Malgré le cadre législatif communautaire et national, les responsables de RFF et de la SNCF refusent de reconnaître et d’entériner cette qualification. Conscients, cependant, du caractère aventureux de cette position, ils minimisent les quantités retirées des voies, même si les 40 000 tonnes qu’ils déclarent sont loin d’être négligeables.

Environ 10% de ces déchets dangereux sont réellement éliminés, mais dans des conditions scabreuses. La seule filière retenue par les apprentis sorciers de la SNCF pour ces quelques milliers de tonnes de déchets dangereux approvisionne les barbecues en charbon de bois «alimentaire », sous couvert d’une autorisation surréaliste du Ministère de la Santé, qui contredit l’arrêté du 2 juin 2003 (cf. annexes).

Chaque année, environ 90 000 tonnes de traverses sont donc dispersées, dont la moitié est écoulée, dans la confusion totale, par les échelons locaux de la SNCF. La Direction Centrale, elle, ferme les yeux et ne veut prendre en compte que les 40 000 tonnes vendues officiellement à «ses grossistes ». La SNCF ne se soucie pas, par contre, de ce que ses grossistes font de ses déchets ! Car il faut bien parler de « ses » déchets puisque la réglementation fait du producteur le seul responsable jusqu’à leur élimination finale. Ceci n’effraie pas la SNCF, qui persiste à ne pas appliquer les textes et qui, ce faisant, expose, chaque jour, ses agents à des poursuites pénales. Le Ministère de l’Ecologie et du Développement Durable ne s’oppose pas à cette procédure parallèle qui contourne la réglementation sur les déchets dangereux. Par ailleurs, les douanes françaises ne s’intéressent pas pour l’instant à ce trafic international de déchets dangereux et n’a pas de rubrique différenciée pour les traverses neuves qui sont des biens de consommation et les traverses usagées qui sont des déchets.

Au danger intrinsèque des traverses imprégnées de créosote, RFF et la SNCF ajoutent donc un autre danger, celui de leur dispersion et du réemploi pour usage domestique, décoratif, architectural, quand elles ne sont pas abandonnées sur les voies de l’oubli de gares désaffectées ; un abandon sujet à pollutions des sols ou à incendies et générateur de sites pollués. Pourtant la SNCF jouit, en tant que producteur unique, d’une situation privilégiée, à l’inverse de la problématique posée par de nombreux déchets (DEEE, par exemple), qui sont, à l’origine, dispersés dans le public. Elle n’aurait donc du avoir aucune difficulté à mettre en place une filière de valorisation et d’élimination totalement sécurisée. Son irresponsabilité dans la gestion de cet important tonnage de déchets dangereux est copartagée avec RFF.

Il faut, donc, mettre rapidement de l’ordre dans ce processus non piloté. Les pouvoirs publics doivent confier la gestion de ces déchets dangereux à un éco-organisme indépendant en charge de mettre en place une filière directe de collecte et d’élimination recourant à la valorisation énergétique dans des incinérateurs dédiés. L’adoption d’une telle filière serait conforme aux objectifs du protocole de Kyoto relatif aux émissions de CO2, qui incitent au développement des sources d’énergie renouvelables, en particulier la biomasse, comme ceci a été solennellement affirmé au sommet européen des 8 et 9 mars 2007. D’autres modes innovants de recyclage ou de traitement sans risque pour la santé humaine et l’environnement pourraient être recherchés dans le cadre de cet éco organisme. Les éco-organismes ou systèmes équivalents peuvent jouer un rôle de stimulateur de recherche dans le domaine de l’éco-conception et de l’élimination, de compilateur de données et de comptable des flux, autant de paramètres que RFF et SNCF ont besoin de développer.

APPEL : dans le cadre de sa campagne sur les déchets ferroviaires, Robin des Bois souhaite constituer un inventaire des stocks abandonnés de traverses. Ils se trouvent le plus souvent sur les délaissés au bord de voies peu circulées, parfois à côté d’autres tas de déchets tant le réseau de chemin de fer devient insensiblement une vaste décharge surtout en zone péri-urbaine mais pas seulement. Nous vous prions de nous envoyer vos contributions photographiques qui ne seront pas forcément d’excellente qualité, avec indication de la localisation, sur contact@robindesbois.org ou par voie postale (14 rue de l’Atlas 75019 Paris).

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