Ça chauffe aussi pour les éléphants

6 juin 2007

14e session de la conférence des parties de la Convention de Washington, sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) – La Haye, Pays Bas

Alors qu’il lui est demandé de militer pour la suspension du commerce international de l’ivoire, M. Juppé, Ministre d’Etat, Ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durables assure dans un communiqué daté du 4 juin que « la France continuera à plaider sans relâche pour un renforcement de la lutte contre le braconnage et le commerce illégal de l’ivoire… »

Or selon la proposition présentée à La Haye par 2 pays de l’aire de répartition, le Kenya et le Mali, toute possibilité légale de commerce international doit être interdite pendant 20 ans. Le réseau international SSN (Species Survival Network) dont Robin des Bois fait partie et les organisations comme France Nature Environnement, la Société Nationale de Protection de la Nature, la Fondation Brigitte Bardot, Greenpeace France, IFAW France sont favorables à cette proposition. M. le Ministre d’Etat ne les entend pas.

Comme le dit si bien dans un involontaire et révélateur raccourci, le site Internet de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) « la décision de mettre en place un système d’abattages illégaux des éléphants a été prise à Harare, Zimbabwe, en 1997». L’UICN veut sans doute dire que MIKE (Monitoring Illegal Killing of Elephant) a été proposé à Harare pour accompagner la décision catastrophique de réouvrir le commerce international de l’ivoire originaire d’Afrique australe ; cette décision a immédiatement suscité le rebond du braconnage dans tout le continent africain et l’immigration d’honorables commerçants asiatiques attirés par cette aubaine du Développement Durable du commerce international d’espèces animales et végétales menacées d’extinction, donc de plus en plus lucratives. C’est ça le cercle vertueux des espèces qui disparaissent.

MIKE est une sorte de réseau panafricain de pompes funèbres pour éléphants animé par l’UICN qui, prudence oblige, ne s’aventure guère hors des zones protégées ou clôturées et compile des mortalités relatées mais plus de 80% des éléphants vivraient hors de ces parcs et c’est là qu’ils sont le plus vulnérables aux actions de chasse des braconniers. Selon la proposition très documentée du Mali et du Kenya, les croque-morts de MIKE ont comptabilisé 2343 éléphants tués pour leurs défenses en 6 ans ; depuis novembre 2004, 40 tonnes d’ivoire ont été saisies par les Douanes à travers le monde représentant plus de 5 500 éléphants. Le fossé est encore plus grand si l’on postule que les autorités douanières ne saisissent que 15 % de l’ivoire illégal -et encore cette statistique est optimiste. A ce compte il y aurait près de 20 000 éléphants massacrés et braconnés chaque année. Le système MIKE est plus que borgne malgré les 20 millions d’euros de financement de l’Union Européenne, plus les rallonges qui s’avèrent nécessaires.

Les éléphants sont les plus grands mammifères terrestres. Les intervalles entre les naissances peuvent atteindre 13 ans si les conditions d’habitat et la densité de l’espèce sont défavorables, la gestation est de 22 mois. En 1900 le poids moyen des défenses prélevées sur les éléphants était de 15 à 20 kg. Il est aujourd’hui de 3,5 à 4 kg, attestant que les éléphants sont abattus de plus en plus jeunes avant de pouvoir user de leurs capacités de reproduction.

La proposition du Kenya et du Mali, soutenue par le Ghana, le Tchad, la République Démocratique du Congo, le Niger, et le Togo est réaliste même si la durée de 20 ans peut éventuellement être légèrement revue à la baisse. En même temps que le renforcement des sanctions envers les trafiquants en Europe et ailleurs, c’est la seule qui puisse dissuader le braconnage et la mafia de l’ivoire. C’est la seule aussi qui puisse permettre aux deux espèces d’éléphant d’Afrique et d’Asie de résister à l’agression supplémentaire du réchauffement climatique ; « les espèces doivent être solides pour y résister et la Convention de Washington a en ce sens une importante responsabilité » a dit lors de la session d’ouverture de la conférence de la Haye, M. Shafqat Kakakhel Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE).

L’Union Européenne et la France si elles persistent dans leur projet funeste de contester l’état des éléphants réalisé par le Kenya et le Mali et de s’opposer à leur proposition joueraient le rôle de liquidateur des éléphants « Liquidation totale avant le réchauffement », tel pourrait être leur slogan.

 

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